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Part 1
AU POÉTE IMPECCABLE AU PARFAIT MAGICIEN ÉS LETTRES FRANçAISES A MON TRES CHER ET TRES VÉnÉrÉ MAITRE ET AMI THPÉOPHILE GAUTIER AVEC LES SENTIMENTS DE LA PLUS PROFONDE HUMILITÉ JE DEDIÉ CES FLEURS MALADIVES
C.B.
TO THE IMPECCABLE POET AND UNSURPASSED MAGICIAN OF FRENCH LETTERS MY DEAR AND VENERATED MASTER AND FRIEND THÉOPHILE GAUTIER WITH ABJECT AFFECTION AND HUMILITY I DEDICATE
THESE INSALUBRIOUS BLOOMS
Au Lecteur
La sottisse, l’erreur, le pêché, la lésine, Occupent nos esprits et travaillant nos corps, Et nous alimentons nos aimables remords,
comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches; Nous nous faisons payer grassement nos aveux, Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs toutes nos taches.
Sur l’oreiller du mal c’est Satan Trismégiste Qui berce longuement notre esprit enchanté, Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent! Aux objets répugnants nous trouvons des appas; Chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas,
San horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange Le sein martyrisé d’une antique catin, Nous volons au passage un plaisir clandestine
Que nous pressons bien for comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d’helminthes, Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viole, le poison, le poignard, l’incendie, N’ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins Le canevas banal de nos piteux destins,
C’est que notre âme, hélas! n’est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,
Il est un plus laid, plus méchant, plus immonde! Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde;
C’est l’Ennui! — l’oeil chargé d’un pleur involontaire, Il rêve d’échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
–Hypocrite lecteur, — mon semble, — mon frère!
To The Reader
Stupidity, error, sin, parsimony, Preoccupy our souls, rack our nerves, And succour sweet remorse
Like beggars nourish their vermin.
Our sins are tenacious, our repentance lax: We ingratiate ourselves with a brace of lame confessions, And gaily regain the well-traced mire, with the excuse that
Mere vile tears might efface the scars of birth.
On the pillow of evil it is Satan Trismegistus, the Psychopomp Himself, who rocks the cradle of our languorous spirit, And his alchemy transmogrifies into dust
The rich alloy of our resolve.
Our strings are pulled by the devil! We discover allure in the most repugnant objects; Each day we descend through reeking shadows,
Straight to hell without a clue.
Like a slobbering impoverished drunk who chews The martyred breast of an ancient whore, We steal secret pleasures
And squeeze them as dry as withered fruit.
Our brains teem with rioting demons, They seethe like a million pinworms, And when we inhale, Death enters our lungs,
An invisible river deaf to our whimpers.
If noose, poison, knife, flame Have yet to embroider their comely designs On the banal fabric of our pitiful destiny,
It is because our soul — alas! — is insufficiently defiant.
But among the jackals, panthers, lice, Apes, scorpions, buzzards, snakes, Yipping, puking, growling, jactitating –
The infamous menagerie of our vices,
There is one uglier, nastier — most loathsome of all! Mere posturing, mere screaming won’t due for him, He who would gladly reduce the known world to debris
And swallow the wrack with a yawn;
He’s called Boredom! — come on, show us the crocodile tear, You, who dream of scaffolds while sucking your narghile. You know him, reader, that scrupulously insatiable monster,
–Hypocritical reader, — my double! — my brother!
SPLEEN ET IDÉAL
I. — BÉNÉDICTION Lorsque, par un décret des puissances suprêmes, Le Poèt apparait en ce monde ennuyé, Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié :
– >
Elle ravale ainsi l’écume de sa haine, Et, ne comprenant pas les desseins éternels, Elle-même prépare au fond de la Géhenne
Les bûchers consacrés aux crimes maternels.
Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange, L’Enfant déshérité s’envivre de soleil, Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil.
Il joue avec le vent, cause avec la nuage, Et s’envivre en chantant du chemin de la croix ; Et l’Esprit qui le suit dans son pèlerinage
Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.
Tous ceux qu’il veut aimer l’observent avec crainte, Ou bien, s’enhardissant de sa tranquillité, Cherchent à qui saura lui tirer une plainte,
Et font sur lui l’essai de leur férocité.
Dans le pain et le vin destinés à sa bouche Ils mêlent de la cendre avec d’impurs crachats; Avec hypocrisie ils jettent ce qu’il touche,
Et s’accusent d’avoir mis leur pieds dans ses pas.
Sa femme va criant sur les places publiques:
>
Vers le Ciel, où son oeil voit un trône splendide, Le Poète serein lève ses bras pieux, Et les vastes éclairs de son esprit lucide
Lui dérobent l’aspect des peuples furieux :
– Immédiatement sa raison s’en alla. L’eclait de ce soleil d’un crêpe se voilà; Tout le chaos roula dans cette intelligence, Temple autrefois vivant, plein d’ordre et d’opulence, Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui. Le silence et la nuit s’installèrant en lui, Comme dans un caveau dont la clef est perdue. Dès lors il fut semblable aux bêtes de la rue, Et, quand il s’en allait sans rien voir, à travers Les champs, sans distinguer les étés des hivers, Sale, inutile et laid comme une chose usée,
Il faisait des enfants la joie et la risée.
XVI. — THE FOOT OF PRIDE
Once upon a fabled time, when Theology Flourished with vigour and energy, It’s told that a pre-eminent father of the church, – Having stirred many apathetic hearts; And roiled their blackest depths; Having launched the trottinette of belief On unique paths unknown even to himself, Where only the purest of souls may travel, – Like a man who has climbed too high, close to panic, But carried away by satanic pride, he exclaimed: “Jesus, little Jesus! See how high I have raised you! But, if I were to expose the flaw In your armor, your shame would equal your glory, And you would find yourself little more than a pathetic foetus!” Immediately, his reason deserted him. The very face of the sun turned away; Where once, under the ceilings Within the temple of his intellect, Where once all was ordered and opulent, And where such pomp had courted him, Chaos roiled. The darkness Of perpetual silence overwhelmed him, His mind became a vault whose key he had lost. From that moment he was no more than a beast in the street, And then he went blind, wandering the countryside, Unable to distinguish summer from winter, Filthy, useless, vile, a broken tool,
He provided many a child with joy and laughter.
XVII. — LA BEAUTÉ
Je suis belle, ô mortelles! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s’est meurti tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Éternel et muet ainsi que la matière. Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris; J’uins un coeur de neige à la blancheur des cygnes; Je hais le mouvement qui déplace les lignes; Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monumentsd, Consumeront leurs jours d’austères études; Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!
XVII. — BEAUTY
I am as beautiful, o mortals! as reverie in stone, And my breast, upon which many have expired, Is fashioned so as to inspire love in a poet, Love as mute and primal as dirt. I’m enthroned in azure, incomprehensible as a sphinx; I unite a heart of snow with the whiteness of swans; I hate any vibration that disturbs my composure, And I never cry, any more than I laugh. Poets, faced with such attitude, Appropriated from the fiercest monuments, Consume their days in austere study; For I, to the fascination of these tame amateurs, Have the purest mirrors which make all things beautiful:
My eyes, my big eyes of eternal clarity!
XIX. — LA GÉANTE
Du temps que la Nature en sa verve puissante Concevait chaque jour des enfants monstreaux J’eusse aimé vivre auprés d’une jeune géante, Comme aux pieds d’une reine un chat volupté. J’eusse aimé voir son corps leurir avec son âme Et grandir librement dans son terribles jeux; Deviner si son coeur couvre une sombre flamme Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux; Parcourir à loisir ses magnifiques formes; Ramper sur le versant de ses genoux énormes, Et parfois en été, quand les soleils malsains, Lasse, la font s’étendre à travers la campagne, Dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d’un montaigne.
XIX. — THE GIANTESS
Back when Nature in her lusty verve Conceived monstrous offspring on a daily basis, I should have liked to live with a young giantess, Like a voluptuous cat at the foot of his queen. I should have liked to watch her body flourish with her soul To see it grow as freely as her dreadful games; To divine whether a somber flame smolders in her heart From the humid mists that drift through her eyes; To hike her magnificent physique at leisure; To crawl up the slope of her enormous knees, And when, in summer, wearied by the oppressive sun, She spreads out over the entire countryside, To sleep without a care in the shadow of her breasts,
Like a peaceful hamlet at the foot of a mountain.
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Part 3
XX. — Le Masque
STATUE ALLÉGORIQUE
DANS LE GôUT DE LA RENAISSANCE
A ERNEST CHRISTOPHE, STATUAIRE
Contempons ce trésor de grâces florentines; Dans l’ondulation de ce corps musculeux L’Élégance et la Force abondent, soeurs divines. Cette femme, morceau vraiment miraculeux, Divinement robuste, adorable mince, Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.
– Aussi, vois ce souris fin et voluptueux Oú la Fatuité promène son extase; Ce long regard sournois, langoureux et moqueur; Ce visage mignard, tout encadré de gaze, Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur: > A cet être douè de tant de majesté Vois quel charme excitant la gentillesse donne!
Approchons, et tournons autour de sa beauté.
O blasphème de l’art! ô surprise fatale! La femme au corps divin, promettant la bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicépahle!
Mais non! ce n’est qu’un masque, un décor suborneur, Ce visage éclairé d’une exquise grimace, Et, regarde, voici, crispée atrocement, La véritable tête, et la sincère face Renversée à labri de la face qui ment. Pauvre grande beauté! le magnifique fleuve De tes pleurs aboutit dans mon coeur soucieux; Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve
Aux lots que la Douleur fait jaillir de tes yeux!
– Mais pourquoi pleure-t-elle? Elle, beauté parfaite Qui mettrait à ses pieds le gente humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète?
– Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu! Et parce qu’elle vit! Mais ce qu’elle déplore Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux, C’est que demain, hélas! il faudra vivre encore!
Demain, après-demain et toujours! — comme nous!
XX. — THE MASK
AN ALLEGORICAL STATUE
IN THE RENAISSANCE STYLE
TO ERNEST CHRISTOPHE, SCULPTOR
Let us contemplate this treasure of Florentine grace; Note the undulation of the muscular body Adorned by those divine sisters, Elegance and Strength. Truly a miraculous morsel, this woman, Divinely robust, adorably slim, Born to be enthroned in the most sumptuous beds,
Therein to charm by the hour any pope or prince.
– Not to mention that terminally voluptuous smile In which Fatuity promenades with ecstasy; That distant, deceitful look, languorous and mocking; That pretty-pretty visage, framing her gaze, Whose every trait dictates to us, with a conquering air, “My name is Pleasure, and Love is my crown!” Such majesty given to this talented being
Such charm incited by such kindness!
Let us closely circumnavigate this beauty. Oh blasphemy of art! O fatal surprise! This divine body, which promises happiness,
Proves to be a two-headed monster!
But no! it’s nothing but a mask, a décor suborned, An exquisite grimace on a luminous countenance, Atrociously clenched, regard That veritable head, behold that sincere face, Mere husks that conceal great mendacity. Great impoverished beauty! the magnificent river Of your tears roars through the flume of my anxious heart; Your lies intoxicate me, and my soul is swamped
By the waves of pain that flood from your eyes!
– But why do you weep so? She, perfected beauty At whose feet swoons all human vanity,
What evil mystery gnaws your athletic flank?
– She weeps, insensible, because she is real! Because she lives! But what she really deplores So much that her knees are nearly unstrung, Is that tomorrow, alas! she’ll still be alive!
Tomorrow, the day after, forever! — like us!
XXI. — HYMNE A LA BEAUTÉ
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abime, O Beauté! ton regard, infernal et divin, Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le couchant et l’aurore; Tu répands des parfums comme un soir orageux; Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres? Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien; Tu sémes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques; De tes bijoux l’Horreur n’est pas le moins charmant, Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle, Crépite, flambe et dit: Bénissons ce flambeau! L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe, O Beauté! monstre énorme, effrayant, ingénu! Si ton oeil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu?
De Satan ou de le Dieu, qu’importe? Ange ou Sirène, Qu’importe, si tu rends, — fée aux yeux de velours, Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds?
XXI. — HYMN TO BEAUTY
Do you come from deep space or a deeper abyss, O Beauty! whose every glance, eternal and divine, Dispenses kindness and crime indiscriminately,
And in that, at least, you may be compared to wine.
Your eye contains both twilight and dawn; You scatter perfumes like a tempestuous night; Your kisses are aphrodisiac, your love an amphora,
They strip heroes of their courage, and promote boys to manhood.
Did you arise from the blackest gulf or descend from the stars? Destiny nips at your petticoats like a smitten pup, You diseminate joy and disaster at random,
You govern all and answer to nobody.
You not only mock the dead, Beauty, you walk all over them; Among your jewels Horror is not the least charming, And Murder, a treasured bauble on your bracelet,
Amorously dances on your proud belly.
The most ephemeral beings fly straight into your candle, And in the very act of immolation exclaim: Bless this flame! The panting squire leans over the object of his desire
With the anticipation of a dying man stroking his tomb.
What does it matter, if you come from heaven or hell, O Beauty! ingenuous, terrifying, enormous monster! If your eye, your smile, your foot, open to me the door
To an unknown Infinity that I can love?
From Satan, from God, who cares? Angel or Siren, Not an issue, if you give back, — velvet-eyed sprite, Rhythm, perfume, just a glimpse, oh my unique queen! –
Of a universe less hideous, in which a man can breathe?
XXII. — PARFUM EXOTIQUE
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne, Je respire l’odeur de ton sein chaleureux, Je vois de dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone;
Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux; Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’oeil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats, Je vois un port rempli de oiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marne,
Pendant que le parfum des verts tamariniers, Qui circule dans l’air et m’enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
XXII. — EXOTIC PERFUME
When, eyes closed, on a warm autumn night, I take in the scent of your warmer breasts, I dissolve like a wave on the shore of happiness
Bedazzled by the fires of a relentless sun.
A lazy island where Nature produces Unique orchards of savory fruit; And men whose physiques are slim and vigorous,
And women with eyes of astonishing frankness.
Guided by your scent through this charming climate, I see a port replet with masts and sails
Altogether exhausted by the heaving main,
Meanwhile the bouquet of green tamarinds Permeates the air, tickles the nostrils,
And the chanties of the mariners mingle with my soul.
XXIII. — LA CHEVELELURE
O toison, moutonnant jusque sur l’encolure! O boucles! O parfum chargé de nonchaloir! Extase! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
J la veux agiter dans l’air comme un mouchoir!
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique! Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.
J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleine de sève, Se pâment longuement sous l’ardeur des climats; Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève! Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flames et de mâts:
Un port retentissant où mon âme peut boire A grande flots le parfum, le son et la couleur; Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasses la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse Dans ce noir océan où l’autre est enfermes; Et mon esprit subtil que le roulis craesse Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercement du loisir embaumé!
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du muse et du goudron.
Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde Sèmera le rubis, la perle et la saphir, Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde! N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et las gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir?
XXIII. — HER HAIR
O fleece, tumbling like a tide over the nape! O buckles! O perfume charged with nonchalance! Ecstasy! To populate the dark alcoves of evening With the memories dormant in this hair,
I want to shake it in the air like a bandana!
Languorous Asia and feverish Africa, Entire worlds, distant, absent, almost defunct, Thrive in the depths or your aromatic forest! While other spirits are borne along by music,
Mine, oh my love! is adrift on your perfume.
There will I go, where both men and trees, full of sap, Swoon all day under the torpor of an arduous climate; Formidable tresses, be the swell that bears me up! You contain, sea of ebony, a dazzling dream
Of sails, of oarsmen, of flames and masts:
A reverberant port where my soul can drink Torrents of fragrance, sound, and color; Where vessels, gliding on golden ripples, Open their vast arms to embrace the glory
Of a pure sky shivering with eternal heat.
I will plunge my head, drunk with love, Into this black ocean where the other is imprisoned; And among the rolling caresses my subtle spirit I will find you, oh fecund lassitude,
Leisure embalmed in rocking infinity!
Blue hair, pavilion of tentative shadows, You return to me the boundless azure of immense heavens, Under the downy borders of your entwined locks I ardently intoxicate myself with the confused aromas
Of coconut oil, of civet, of asphalt.
Always! forever! my hand will sow rubies, Pearls and sapphires in your thick mane, To the cries of my desire you will never be deaf! Are you not the oasis where I dream, and the gourd
From which I drain prolonged drafts of the wine of memory?
XXIV
Je t’adore à l’égal de la voûte nocturne, O vase de tristesse, ô grande taciturne, E t’aime d’autant plus, belle, que tu me fuis, Et qu tu me parais, ornement de mes nuits, Plus ironiquement accumuler les lieus
Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je m’avance à l’attaque, et je grimpe aux assauts, Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux, Et je chéris, ô bête implacable et cruelle!
Jusqu’à cette froideur par où tu m’es plus belle!
XXIV
I worship you as an equal to the celestial vault, O amphora of sadness, oh great taciturnity, And the more you shun me, my beauty, the more I love you, Ornament of my nights, and it seems to me, Ironically, that the more distance you put between us,
The greater the blue immensity I hold in my arms.
I advance my army, we clamber the ramparts, Like a choir of worms swarming a cadaver, And I crave, oh beast, implacable and cruel!
This frigidity that makes you even more beautiful!
XXV
Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle, Femme impure! L’ennui rend ton âme cruelle. Pour exercer tes dents à ce jeu singulier, Il te faut chaque jour un coeur au râtelier. Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques, Usent insolemment d’un pouvoir emprunté,
San connaître jamais la loi de leur beauté.
Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde! Salutaire instrument, buveur du sang du monde. Comment n’as-tu pas honte et comment n’as-tu pas Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas? La grandeur de ce mal où tu te crois savante Ne t’a donc jamais fait reculer d’épouvante, Quand la nature, grande en ses desseins cachés, De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés,
– De toi, vil animal, — pour pétrir un génie?
O fangeuse grandeur! sublime ignominie!
XXV
You would put the entire universe in that little street Between your bed and the wall, you immoral woman! Boredom renders your soul cruel. Just to keep your teeth filed for your singular game, every new day you have to rack up a new heart. Your eyes, lit up like a five and dime And flaming like autumn leaves at a county fair, Insolently flaunt a suborned power,
With no comprehension of their legitimate beauty.
Blind! Deaf! Fecund with savagery! Inexhaustible machine, binging on the blood of the world, How can you not be ashamed when every mirror Bears witness to the sayonara of your charms? The greatness of this evil, which you only think you understand, Has it never made you recoil in terror, Do you not realize that, in the vast scope of her hidden designs, Nature outdid herself — oh woman, oh empress of sin,
Vile animal –, when she excreted your genius?
Oh sublime ignominy! Bottomless mire!
XXVI. — SED NON SATIATA
Bizarre déité, brune comme les nuits, Au parfum mélangé de musc et de havane, Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d’ébène, enfant des noirs minuits,
Je préfère au constance, à l’opium, au nuits, L’élixir de ta bouche où l’amour se pavane; Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme, O démon sans pitié! verse-moi moins de flamme;
Je ne suis pas le Styx pour t’embrasser neuf fois.
Hélas! et je ne puis, Mégère libertine, Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l’enfer de ton it devenir Proserpine!
XXVI. — NO SATISFACTION
Bizarre deity, brunette nocturne, Perfumed melange of musk and cigars, Work of some obeah, some Faust of the savanna,
My ebony-flanked sorceress, spawn of midnight,
I prefer to constancy, opium, or night, The elixir of your mouth, whence love struts; The caravan of my desire embarks its weariness
Solely to arrive at the oasis of your eyes.
Those two big black eyes, twin volcanoes of your soul, O pitiless daemon! turn down their heat;
I am not the Styx to quench you nine times,
Alas! and I cannot, my libertine Fury, In order to break your spirit, to corner you In the hell that you call your bed,
Pretend that you’re worth kidnapping!
XXVII
Avec ses vêtements ondoyants et nacrés, Même quand elle marche on croyait qu’elle danse, Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés
Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.
Comme le sable morne et l’azur des déserts, Insensibles tous deux à l’humaine souffrance, Comme les longs réseaux de la houle des mers,
Elle se développe avece indifférence.
Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants, Et dans cette nature étrange et symbolique
Où l’ange inviolé se mêle au sphinx antique,
Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants, Resplendit à jamais, comme un astre inutile,
La froide majesté de la femme stérile.
XXVII
In her sheath, undulant and pearlescent, You can’t believe she’s walking instead of dancing, It’s like a dress full of snakes
Charmed by the batons of sacred jugglers.
Like the dreary sand and azure sky of a desert, Equally insensible to human suffering, Like the heaving swell of the sea,
She propagates with indifference.
Her burnished eyes are made of charming minerals, And in this strange and symbolic nature
Wherein an inviolate angel mingles with an ancient sphinx,
Wherein all is gold, steel, light and diamonds, Like a useless star, eternally resplendent,
With the frigid majesty of a sterile woman.
XXVIII. — LE SERPENT QUI DANSE
Que j’aime voir, chère indolente, De ton corps si beau, Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde Aux âcres parfumes, Mes odorante et vagabonde
Aux flot bleus et bruns,
Comme un navire qui s’éveille Au vent du matin, Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux, où rien ne se révèle De doux ni d’amer, Sont deux bijoux froids où se mêle
L’or avec le fer.
A te voir marcher en cadence, Belle d’abandon, On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un baton.
Sous le fardeau de ta paresse Ta tête e’enfant Se balance aves la mollesse
D’une jeune éléphant,
Et ton corpse se penche et s’allonge Comme un fin vaisseau Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.
Comme un flot grossi par la fonte Des glaciers grondants, Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boite un vin de Bohême, Amer et vainqueur, Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon coeur!
XXVIII. — THE DANCING SERPENT
How I like to watch, my indolent darling, Your lovely body, Its quivering flesh
Vacillating like a fabric!
Under that profound shock of hair and its acrid perfumes, Swarthy blue waves roll
Upon a redolent and vagabond sea,
Like a ship awakened By a freshening breeze, My dreamy soul casts off
For a distant heaven.
Your eyes, in which nothing is revealed Of the sweet nor of the bitter, Are a pair of frozen jewels
In which iron is alloyed with gold.
To see the cadence of your walk, The beauty of its abandon, Is to watch a cobra entranced
By his master’s baton.
Under the burden of your idleness Your childish head Balances itself with the lethargy
Of a baby elephant,
And your body tilts and elongates Like an elegant vessel Rolling out her timbers
On a boisterous sea.
Like a flood engorged by Glacial runoff, When the water rises to your mouth,
To the very edges of your teeth,
I seek to drink the wine of your Bohemia, Bitter and all-conquering, A liquid sky which inseminates
My heart with stars!
XXIX. — UNE CHAROGNE
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d’été si doux: Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l’air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à pointe, Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint;
Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s’épanouir. La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D’où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague, Ou s’élançait en pétillant; On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique, Comme l’eau courante et le vent, Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rhythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rève, Une ébauche lente à venir, Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d’un oeil fâché, Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.
– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection, Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!
Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces, Aprés les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés!
XXIX. — THE CADAVER
Call up again, my love, the thing we saw One sweet summer morning: At a bend in the road, on a bed of stones,
A rotting corpse,
Legs in the air, like a debauched bitch, Suppurating coruscant venoms, Nonchalantly flaunting, as if cynically,
A gut distended by gas.
The sun beat down on this rotting porridge, As if to roast it medium crispy, To pay back Mother Nature all that she had borrowed
For the recipe, with interest;
And heaven watched this superb carcass Open like a flower. The stench was plenty strong, enough
To send you face down, into the grass.
Black battalions of buzzing flies Launched sorties of larva from that putrid belly, They flowed like a thick fluid
They undulated like living rags.
It all descended from this, building like a wave, Leaped and sparkled, One might have said that the corpse, convulsed
by an uncertain sigh, yet lived, yet multiplied.
And this world emitted a foreign music, Like running water, like wind, Like the grain the turning winnower
Lifts and leaves in his wake.
The shapes efface themselves, they’re no more than a dream, A slow realization In a forgotten work of art, achieved
Only in memory.
Behind some rocks a restless dog Watched us with a wary eye, Waiting for the moment to snatch a morsel
Dispensed by the recalcitrant skeleton.
– Nevertheless, one day you will resemble this pile of shit, This vile infection, Star of my eyes, sun of my nature,
You, my angel, my passion!
Yes! such will you become, my queen of grace, After the last sacraments, After they slide you under the lawn, with only a slight hiss,
To molder among the bones.
Then, oh my beauty, then! tell the vermin That feast on your kisses, That I obsess over the form, over the divine essence
Of my putrid love!
————————————————– Part 4 COMING SOON
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© Jim Nisbet 2014
Jim Nisbet has published nine novels, the most recent of which, The Octopus On My Head, was released by Dennis McMillan Publications (Tucson) in July, 2007, and by Editons Payot et Rivages (Paris) under the title Comment j’ai trouvé un boulot in November, 2008. All of these novels – The Gourmet (aka The Damned Don’t Die), Lethal Injection, Death Puppet, Prelude to a Scream, The Price of the Ticket, The Syracuse Codex, Dark Companion, and The Octopus on My Head — have been published in French as well as English, along with a miscellany of additional translations into German, Japanese, Italian, Polish, Hungarian, Greek and, forthcoming, Russian and Romanian. Ulysses’ Dog has been published in French only, under the title Le Chien d’Ulysse, by (as with all of the French translations) Editions Payot et Rivages (Paris). In April 2010 Overlook Press (New York) will publish a new Jim Nisbet novel, Windward Passage, simultaneously with a new edition of the acclaimed Lethal Injection, out of print since 1989. This rollout will be followed by Jim’s entire backlist, a total of eight additional titles, including the first American publication ofUlysses’ Dog. The Rivages/Thriller edition of Windward Passage will follow. On a parallel track, Green Arcade, an imprint of PM Press, issued a novella, A Moment of Doubt, in the fall of 2010.
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