Les Fleurs du Mal by Charles Baudelaire
translated from the French by Jim Nisbet
—
Part 1
AU POÉTE IMPECCABLE
AU PARFAIT MAGICIEN ÉS LETTRES FRANçAISES
A MON TRES CHER ET TRES VÉnÉrÉ
MAITRE ET AMI
THPÉOPHILE GAUTIER
AVEC LES SENTIMENTS
DE LA PLUS PROFONDE HUMILITÉ
JE DEDIÉ
CES FLEURS MALADIVES
C.B.
TO THE IMPECCABLE POET
AND UNSURPASSED MAGICIAN OF FRENCH LETTERS
MY DEAR AND VENERATED
MASTER AND FRIEND
THÉOPHILE GAUTIER
WITH ABJECT
AFFECTION AND HUMILITY
I DEDICATE
THESE INSALUBRIOUS BLOOMS
Au Lecteur
La sottisse, l’erreur, le pêché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillant nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs toutes nos taches.
Sur l’oreiller du mal c’est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!
Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas,
San horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d’une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestine
Que nous pressons bien for comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d’helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viole, le poison, le poignard, l’incendie,
N’ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C’est que notre âme, hélas! n’est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,
Il est un plus laid, plus méchant, plus immonde!
Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde;
C’est l’Ennui! — l’oeil chargé d’un pleur involontaire,
Il rêve d’échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
–Hypocrite lecteur, — mon semble, — mon frère!
To The Reader
Stupidity, error, sin, parsimony,
Preoccupy our souls, rack our nerves,
And succour sweet remorse
Like beggars nourish their vermin.
Our sins are tenacious, our repentance lax:
We ingratiate ourselves with a brace of lame confessions,
And gaily regain the well-traced mire, with the excuse that
Mere vile tears might efface the scars of birth.
On the pillow of evil it is Satan Trismegistus, the Psychopomp
Himself, who rocks the cradle of our languorous spirit,
And his alchemy transmogrifies into dust
The rich alloy of our resolve.
Our strings are pulled by the devil!
We discover allure in the most repugnant objects;
Each day we descend through reeking shadows,
Straight to hell without a clue.
Like a slobbering impoverished drunk who chews
The martyred breast of an ancient whore,
We steal secret pleasures
And squeeze them as dry as withered fruit.
Our brains teem with rioting demons,
They seethe like a million pinworms,
And when we inhale, Death enters our lungs,
An invisible river deaf to our whimpers.
If noose, poison, knife, flame
Have yet to embroider their comely designs
On the banal fabric of our pitiful destiny,
It is because our soul — alas! — is insufficiently defiant.
But among the jackals, panthers, lice,
Apes, scorpions, buzzards, snakes,
Yipping, puking, growling, jactitating –
The infamous menagerie of our vices,
There is one uglier, nastier — most loathsome of all!
Mere posturing, mere screaming won’t due for him,
He who would gladly reduce the known world to debris
And swallow the wrack with a yawn;
He’s called Boredom! — come on, show us the crocodile tear,
You, who dream of scaffolds while sucking your narghile.
You know him, reader, that scrupulously insatiable monster,
–Hypocritical reader, — my double! — my brother!
SPLEEN ET IDÉAL
I. — BÉNÉDICTION
Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,
Le Poèt apparait en ce monde ennuyé,
Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié :
– << Ah! que n’ai-je mis bas tout un noeud de vipères, Plutôt que de nourrir cette dérision! Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères Où mon ventre a conçu mon expiation ! Puisque tu m’as choisie entre toutes les femmes Pour être le dégoût de mon triste mari, Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes, Comme un billet d’amour, ce monstre rabourgri, Je ferai rejaillir ta haine que m’accable Sur l’instrument maudit de tes méchancetés, Et je tordrai si bien cet arbre misérable, Qu’il ne pourra pousser ses boutons empestés ! >>
Elle ravale ainsi l’écume de sa haine,
Et, ne comprenant pas les desseins éternels,
Elle-même prépare au fond de la Géhenne
Les bûchers consacrés aux crimes maternels.
Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant déshérité s’envivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil.
Il joue avec le vent, cause avec la nuage,
Et s’envivre en chantant du chemin de la croix ;
Et l’Esprit qui le suit dans son pèlerinage
Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.
Tous ceux qu’il veut aimer l’observent avec crainte,
Ou bien, s’enhardissant de sa tranquillité,
Cherchent à qui saura lui tirer une plainte,
Et font sur lui l’essai de leur férocité.
Dans le pain et le vin destinés à sa bouche
Ils mêlent de la cendre avec d’impurs crachats;
Avec hypocrisie ils jettent ce qu’il touche,
Et s’accusent d’avoir mis leur pieds dans ses pas.
Sa femme va criant sur les places publiques:
<< Puisqu’il me trouve assez belle pour m’adorer, Je ferai le métier des idoles antiques, Et comme elles je veux me faire redorer; Et je me soûlerai de nard, d’encens, de myrrhe, De génuflexions, de viandes et des vins, Pour savoir si je puis dans un coeur qui m’admire Usurper en riant les homage divins! Et, quand je m’ennuierai de ces farces impies, Je poserai sur lui ma frêle et forte main; et mes ongles, pareils aux ongles des harpies, Sauront jusqu’à son coeur se frayer un chemin. Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite, J’arracherai ce coeur tout rouge de son sein, Et, pour rassasier ma bête favorite, Je le lui jetterai par terre avec dédain! >>
Vers le Ciel, où son oeil voit un trône splendide,
Le Poète serein lève ses bras pieux,
Et les vastes éclairs de son esprit lucide
Lui dérobent l’aspect des peuples furieux :
– << Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés
Et comme la meilleure et la plus pure essence
Qui prépare les forts aux saintes voluptés !
Je sais que vous gardez un place du Poète
Dans les rangs bienheureux des saintes Légions,
Et que vous l’invitez à l’éternelle fête
Des Trônes, des Vertus, les Dominations.
Je sais que la douleur est la noblesse unique
Où ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu’il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers.
Mais les bijoux perdus de l’antique Palmyre,
Les métaux inconnus, les perles de la mer,
Par votre main montés, ne pourraient pas suffire
A ce beau diadème éblouissant et clair.
Car il ne sera fait que de pure lumière,
Puisée au foyer saint des rayons primitifs,
Et dont les yeux mortel, dans leur splendeur entière,
Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs !
SPLEEN AND THE IDEAL
I. — BENEDICTION
When, by a decree of the supreme powers,
The Poet appears in this boring world,
His outraged mother overflows with blasphemy
Clenches her fist against God, who takes pity on her:
“Ah! better that I gave birth to a nest of vipers,
Than that I am forced to nourish this mockery!
Cursed be the night of forgotten pleasures
That filled my belly with this atonement!
Since you have chosen me, of all women,
To bear the brunt of a disgusted husband,
And since I can’t merely cast this swarthy
Abomination into the stove like a used rubber,
I will turn this hate by which you overwhelm me
Onto the instrument of your malice,
And I’ll bend this miserable twig so that
no man shall never see it flower!”
She chokes back the spume of her hatred,
And, with no comprehension of eternal design,
She herself prepares her heap among the pyres
Consecrated in the depths of Hell to uniquely maternal crimes.
Nevertheless, under the tutelage of an invisible Angel,
The disinherited child flourishes in the sun,
And in all that he drinks and all that he eats
He finds ambrosia and the nectar of cherries.
He plays with the wind, chases the cloud,
Even chanting the Stations of the Cross intoxicates him,
Even the brooding spirit of the pilgrim weeps
To see him, gay as a woodland bird.
Those who would love him watched him with fear,
Or else, emboldened by his tranquility,
Searched out anything that might elicit a cry from him,
and, in the end, deployed upon him all their ferocity.
In the bread and wine destined for his mouth
They mingled ashes and spit;
With hypocrisy they threw away anything he touched,
And accused him of misleading them.
His woman goes crying in the market:
“Since he finds me pretty enough to adore,
I’ll make like the idols of olden days,
And like them I’m going to re-gild myself;
And I’ll besot myself with spikenard, incense, myrrh,
With genuflections, meat and wine,
In order to savor whether I can usurp other happy visages
In a heart that admires me!
And, when I’m bored with this impious farce,
I’ll lay on him my frail, strong hand;
And my nails, comparable to those of the Harpies,
Will excavate a path to his heart.
His heart, that trembles and quivers
like a baby bird, I’ll rip red from his breast,
And, to tease my favorite Rottweiler,
I’ll cast it into the dirt with disdain!”
Skyward, where he decries splendid throne,
The poet raises his pious arms,
And the flashing immensity of his lucid soul,
Shields him from the stares of enraged humans:
“Blessed God, who gives us suffering
As a divine remedy for our impurities
And like the best and purest of essences
Who prepares the strengths of the voluptuous apostles!
I know that you keep a place for the Poet
Among the blessed ranks of sainted legions,
And that you invite him to the Eternal Celebration
of Thrones, of Virtues, of Dominions.
I know that grief is the one nobility
That earth and hell cannot overcome,
And that it’s necessary to interweave all of Time
And the entire Universe with my mystic crown.
But the lost jewels of ancient Palmyra,
The unknown metals, the pearls of the sea,
Even mounted by your own hand, cannot eclipse
This diadem for clarity and beauty;
For it will be conceived of the purest illumination,
Forged in the sacred foyer of aboriginal light,
And mortal eyes, reflecting this splendor,
Are mere mirrors, smoked and obscured.
II. — L’ALBATROS
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolent compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ses rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid!
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait!
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
II. — THE ALBATROSS
Sometimes, to amuse themselves, a crew
Hook an albatross, that vast bird of the sea,
One of those indolent companions who follow
A ship as it glides over the bitter gulfs.
Scarcely have they set him on the deck than this king
Of the azure becomes maladroit and ashamed,
He drags his great white wings
Like a pair of oars trailing after a dinghy.
The winged traveler, now awkward and weak!
Once so beautiful, now comic and ugly!
Some jerk teases the beak with a pipe stem,
Another mimics him as too drunk to fly.
The Poet is like this prince of the skies
Who haunts the storm and taunts the archer;
Exiled from the sun, amid a jeering crowd,
His magnificent wings won’t even permit him to walk.
III. — ÉLÉVATION
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillones gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des aluettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
– Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des chose muettes!
III. — Elevation
Above the ponds, above the valleys,
Mountains, forests, clouds and seas,
Beyond sun and ethers,
Beyond the confines of the starry spheres,
Get a move on, my spirit, engage your agility,
And, like a good swimmer enraptured by the waves,
Cut gaily across the immense depths
with an inexpressible, a male delight.
Fly well clear of these miasmic morbidities;
Go, purify yourself in the farthest empyrean,
and drink, like a limpid and divine liquor,
The absolute fire that charges infinite space.
Leave behind boredom and perpetual chagrin
whose density befogs your existence,
Happy is he, whose willing wings carry him
To fields luminous and serene;
He whose thoughts, like skylarks,
Demand their liberty from the morning sky,
– Who glide over life, and effortlessly comprehend
The language of flowers and other mute things!
IV. — CORRESPONDANCES
La Nature est un temple où de vivantes piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de long échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfumes, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfumes frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
– Et d’autres, corrompus, riches et triomphantes,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
IV. — CORRESPONDENCES
Nature is a temple whose breathing pillars
Easily leave us speechless;
Man cuts his swath through forests of symbols
That archly surveil his every detail.
Like sourceless echos they confound us
With an obscure yet profound unity,
Vast like night, vast like light,
Perfumes, colors and sounds correspond to them.
Fragrances fresh as a baby’s cheek,
Sweet as oboes, green as a prairie,
– And others, too, corrupt, rich and triumphant,
Expand into infinity,
Like amber, musk, balsam and incense,
They sing of the spirit that soars with the senses.
V
J’aime le souvenir de ces époques nues,
Dont Phoebus se plaisait à dorer les statues.
Alors l’homme et la femme en leur agilité
Jouissaient sans mensonge et sans anxiété,
Et, le ciel amoureux leur caressant l’échine,
Exerçaient la santé de leur noble machine.
Cybèle alors, fertile en produits généreux,
N trouvait point ses fils un poids trop onéreux,
Mais, louve au coeur gonflé de tendresses communes,
Abreuvait l’univers à ses tétines brunes.
L’homme, élégant, robuste et fort, avait le droit
D’être fier des beautés qui le nommaient leur roi;
Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures,
Dont la chair lisse et femme appelait les morsures!
Le Poète aujourd’hui, quand il veut concevoir
Ces natives grandeurs, aux lieux où se dont voir
La nudité de l’home et celle de la femme,
Sent un froid ténébreux envelopper son âme
Devant ce noir tableau plein d’épouvantement.
O monstruosités pleurant leur vêtement!
O ridicules troncs! torses dignes des masques!
O pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques,
Que le dieu de l’Utile, implacable et serein,
Enfants, emmaillota dans ses langes d’airain!
Et vous, femmes, hélas! pâles comme de cierges,
Que ronge et que nourrit la débauche, et vous, vierges,
Du vice maternel traînant l’hérédité
Et toutes les hideurs de la fécondité!
Nous avons, il est vrai, nations corrompues
Aux peuples anciens des beautés inconnues:
Des visages rongés par les chancres du coeur,
Et comme que dirait des beautés de langueur;
Mais ces inventions de nos muses tardives
N’empêcheront jamais les races maladives
De rendre à la jeunesse, à l’air simple, au doux front,
A l’oeil limpide et clair ainsi qu’une eau courante,
Et qui va répandant sur tout, insouciante
Comme l’azur du ciel, les oiseaux et les fleurs,
Ses parfumes, ses chansons et ses douces chaleurs!
V
I treasure the memory of ancient skies,
Wherefrom it pleased the sungod to gild our statuary.
In those days, agile boys and girls
Frolicking without guile or anxiety,
Deployed all the noble assets of the body,
As a loving heaven caressed their backsides.
Cybele, back then, fecund and generous,
Did not find the weight of her children too onerous,
On the contrary, with the love of a wolf for her cubs,
She quenched the thirst of the universe with her auburn breasts.
Elegant man, robust and strong, had the right
To be proud of the beauties who called him king;
Fruit free of bruises, unchafed,
Whose firm, unblemished skin cried out for ¡mordibesos!
Today the Poet, when he can find the strength to summon
Such native grandeurs, from a place where he finds
Woman naked, and man too,
Feels a chill shiver his soul
Before this appalling tableau.
O monstrosities pleading for rags!
O ridiculous breasts — dignify them with masks!
O poor contorted bodies, bloated, scrawny or flaccid,
What god of Utility, implacable and serene,
Changed the bronzed diapers on these kids!
And you, women, alas! pallid as candles,
Sapped yet nourished by debauch, and you, virgins,
Entrained by the heredity of your mother’s vices
And all the hideousness of fecundity!
We have, it is true,
Ancient peoples of unknown beauty:
Of visages chancred by syphiloid hearts,
By, you might say, the merits of listlessness;
But these improvisations of our tardive muses,
Will never disencumber our feckless breed
From their profound reverence for youth,
– Sainted youth, with its simple music, its sweet demeanor,
Its untroubled eye, limpid as a babbling brook,
Which sallies against all, as blithe
As a blue sky, as a bird, a flower,
With its perfumes, its songs and its sweet waves of heat!
VI. – LES PHARES
Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse,
Comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer;
Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à la ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays,
Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d’un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,
et d’un rayon d’hiver traversé brusquement;
Michel-Ange, lieu vague où l’on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts;
Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasseur la beauté de goujats,
Grand coeur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats,
Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant,
Goya, cauchemar plein de chaoses inconnues,
De foetus qu’on fait cuire au milieu de sabbats,
De vielles au miroir et d’enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas;
Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, de fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber;
Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ce Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes;
C’est pour les coeurs mortels un divin opium!
C’est un cri répété par milles sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix;
C’est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grandes bois!
Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Qu nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord do votre éternité!
VI. — WAYPOINTS
Rubens, flume of oblivion, garden of indolence,
Pillow of cool flesh where one makes no love,
But where life unceasingly seethes and swarms,
As the air in the sky and the water in the sea;
Leonardo da Vinci, mirror dark and deep,
Where charming angels, all smiles
Are charged with mystery, appear in the shadows
Of a country ringed by glaciers and pines,
Rembrandt, sad hospice, dense with murmuring,
Decorated solely by a huge crucifix,
Where tearful prayers rise like fumes from excrement,
Through which rays of winter light dart fitfully;
Michelangelo, an abstract place where one
witnesses Herculean Christs, and at dusk,
powerful phantoms sit bolt upright,
Rend their shrouds, and crack their knuckles;
Rage of the wrestler, impudence of the faun,
You who aggregate the beauty of boorishness,
Great heart engorged by pride, man jaundiced and weak,
Puget, the melancholy emperor of convicts;
Watteau, this carnival wherein many illustrious hearts,
Like butterflies, errant and flamboyant,
Decorative and frivolous as the chandeliers
that shed light on the whirling tournament,
Goya, nightmare of the unknown in broad daylight,
Of fetuses born to be grilled mid-Sabbath,
Of hags whose mirrors reflect naked children,
Who tempt the fiend with a glimpse of flesh;
Delacroix, lake of blood haunted by evil angels
Shadowed by an evergreen forest,
Where, under a sky of grief, alien orchestras pass,
Like an astonished sigh by Weber.
These curses, these blasphemies, these ululations,
these ecstasies, these cries, these lamentations, these Te Deum,
Are an echo rebounding through a thousand labyrinths;
But for mortal hearts, it’s a divine opium!
It’s a cry repeated by a thousand sentries,
An order transmitted by a thousand messengers
It’s beacon illuminated in a thousand citadels,
A huntsman’s call lost in a great wood!
Thus it’s true, God Almighty, that the best witness
We are able to give of our dignity
Is this convulsive sob that rolls from age to age
Only to die at the end of your eternity!
VII. — LA MUSE MALADE
Ma pauvre muse, hélas! qu’as-tu donc ce matin?
Tes yeux creux sont peuplées de visions nocturnes,
Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint
La folie et l’horreur, froides et taciturnes.
Le succube verdâtre et le rose lutin
T’ont-ils versé la puer et l’amour de leurs urnes?
La cauchemar, d’un poing despotique et mutin,
T’a-t-il noyée au fond d’un fabuleux Minturnes?
Je voudrais qu’exhalant l’odeur de la santé
Ton sein de pensers fort fût toujours fréquenté,
Et que ton sang chrétien coulât à flots rythmiques,
Comme les sons nombreux des syllabes antique,
Où règnent tour à tour le ère des chansons,
Phoebus, et le grand Pan, le seigneur des moissons.
VII. — THE MUSE INDISPOSED
My poor muse, alas! where have you gone this morning?
Your hollow eyes are populated by nocturnal visions,
And I see, reflected in your pallor, by turns,
Frigid madness, and taciturn horror.
Have the green fairy and the pink imp
Have they dispensed fear and love from their flasks?
Does the despotic caprice of the nightmare’s fist
Yet clasp you to the depths of its fabulous swamp?
I want to breath the healthy odor of sanity
Always to be expected from your breast,
And feel the rhythmic flow of your Christian blood,
Like the numberless sounds of antique syllables,
Whereover reign in turn the father of song,
Apollo, and the great Pan, lord of the harvest.
VIII. — LA MUSE VÉNALE
O muse de mon coeur, amante des palais,
Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées,
Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,
Un tison pour chauffer tes deux pieds violets?
Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
Aux nocturne rayon qui percent les violets?
Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,
Récolteras-tu l’or des voûtes azurées?
Il te faut, pour gagner ton pain de chaque soir,
Comme un enfant de choeur, jouer de l’encensoir,
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,
Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas,
Pour faire épanouir la rate de vulgaire.
VIII. — THE MUSE IS VENAL
O muse of my heart, lover of palaces,
When January unleashes its freezing northerlies,
Amid the black ennui of snow-burdened evenings,
Find a lump of coal to toast our chilblained feet?
Will the gaslight piercing the chinks in the shutters
Somehow reduce the shivering in your marbled shoulders?
Feeling our purse as hungry as your palate,
Will we pinch a little pelf from heaven’s vault?
Not so fast; we’re going to have to earn your bread tonight,
As every night, like a choir boy swinging the censer,
Chanting Te Deums even as he disbelieves them,
Or, like a clown with a growling stomach, who pimps his appeal
Behind laughter tempered by frozen tears,
Guaranteed to nourish the public taste.
IX. — LE MAUVAIS MOINE
Les cloîtres anciens sur leurs grandes murailles
Étalaient en tableaux la sainte Vérité,
Dont l’effet, réchauffant les pieuses entrailles,
Tempérait la froideur de leur austérité.
En ces temps où du Christ florissant les semailles,
Plus d’un illustre moine, aujourd’hui peu cité,
Prenant pour atelier le champ des funérailles,
Glorifiait la Mort avec simplicité.
– Mon âme est un tombeau que, mauvais cénobite,
Depuis l’éternité je parcours et h’habite;
Rien n’embellit les murs de ce cloître odieux.
O moine fainéant! quand saurai-je donc faire
Du spectacle vivant de ma triste misére
Le travail de mes mains et l’amour de mes yeux?
IX. — THE WRETCHED MONK
The tableaus of sacred truths
Frescoed onto the high walls of ancient cloisters,
Warm the cockles of the pious
And temper the frost of their austerity.
In the days when Christ sowed his seeds
More than one illustrious monk, now scantily remembered,
Took the cemetery for his atelier,
And glorified Death with his simplicity.
– My soul is a tomb that I, lugubrious cenobite,
Will come to inhabit only after an eternity;
No pigment decorates the walls of this odious cloister.
O slothful monk! how will I ever fashion
The living spectacle of my wretchedness
Into my handiwork, beloved of my eyes?
—
X. — L’ENNEMI
Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
Traversé ça et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il teste en mon jardin bien peu de fruits vermils.
Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
Et qu’il faut employer la pelle et des râteaux
Pour rassembler à neufs les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
– O douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi que nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
X. — THE ENEMY
My youth was nothing but a cyclone of shadows
Pierced here and there by brilliant sunlight;
So that my garden, ravaged by thunder and rain,
Presents precious few vermillion fruit.
And now I behold the autumn of ideation,
And must take up spade and rake
In order to rally an inundated world,
Whose waters are hollowed by holes as big as tombs.
And who knows whether these new flowers that I dream
Will find themselves on some sun-bathed shore
Whose mystique will nourish their vigor?
– O sorrow! O grief redoubled! Time consumes life,
This dark Enemy gnaws at our heart
And the blood we lose gives him strength!
XI. — LE GUIGNON
pour soulever un poids si lourd,
sisphe, il faudrait ton courage!
Bien qu’on ait du coeur à l’ouvrage,
L’Art est long et le Temps est court.
Loin des sépultures célèbres,
Vers un cimetière isolé,
Mon ceur, comme un tambour voilé,
Va battant des marches funébres.
– Maint joyau dort enselvi
Dans les ténèbres et l’oubli,
Bien loin des pioches et des sondes;
Minte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dan les solitudes profondes.
XI. — BUSTED FLUSH (ROTTEN LUCK)
In order to support such a burden
One would require the courage of a Sisyphus!
It’s all very well to find the heart for this work,
But Art is long and Time is short.
Far from beribboned catafalques,
Get you to an unmarked grave, my heart,
My heart like the muffled drum
At the head of the cortege of mourners.
– Many gems lie, buried and forgotten,
Asleep in perpetual darkness,
Unreachable by the pick, beyond soundings;
Many a flower, to its regret,
Exudes its perfume, sweet as a secret,
In total solitude.
XII. — LA VIE ANTÉIEURE
J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux,
Mélaient d’une faç solennelle et mystique
Les tout-ouissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant relfété pay mes yeux.
C’est là que j’ai vécu dans les volupté calmes,
Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnes d’odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l’unique soin était d’approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
XII. — A PAST LIFE
For a long time I lived under vast porticos
Tinted by the thousand fires of pelagic sunsets,
And their great pillers, straight and majestic,
Twilight rendered into grottos of basalt.
The undulanlanlanlant swells, image of the sky,
Mingled solemnity and the unfathomable into
An all-powerful music, enriched and harmonized
By the drowsy colors recumbent in my eyes.
It is there that I lived, voluptuously becalmed,
In a milieu of blue, of waves, of spendors
And of naked slaves, impregnated by scents,
Who cooled my brow with undulant fronds of palm,
And whose only other chore was to keep open
The secret wound that fed my languor.
XIII. — BOHÉMIEMS EN VOYAGE
La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s’est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prét des mamelles pendentes.
Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Prmenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.
Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,
Les regardent passer, reduble sa chanson;
Cybèle2, qui les aime, augmente ses verdures,
Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L’emprie familier des ténèbres futures.
XIII. — ON THE ROAD
The ardent and sloe-eyed of the prophetic tribe
Hit the road yesterday, carrying their little ones
On their backs, whose fierce appetites
Reliably covet the treasure to be had from pendulant breasts.
The men go afoot, weapons gleaming
Alongside the chariots in which snuggle their progeny,
They promenade under the skies with unappeasable eyes
As if regretting the absence of certain Chimeras.
From the depth of his sandy redoubt, the cricket
Watching the parade, redoubles his song;
Nature, who loves them, exaggerates the lush verdure,
She makes water flow from rock, she causes the desert to flower
At the feet of the travelers, for them she reveals
The shadowy futures within the empire of the familiar.
XIV. — L’HOMME ET LA MER
Homme libre, toujours tu chériras la mer!
La mer est ton miroir; tu contemples ton àme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets:
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes;
O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets!
Et cependent voilà des siècles innombrables
Que vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
O lutteurs éternels, ô frères implacables!
XIV. — MAN AND THE SEA
Free man, you will always love the sea!
The sea is your mirror; you contemplate your soul
In the infinite undulations of its waves,
And your spirit is no less bitter a chasm.
To dive into your image upon its breast will delight you;
You will kiss its eyelids, its arms, and your heart
Will sometimes be distracted from its own rumour-mongering
By the groans of this wild, untamable sorrow.
Both of you are dark and reserved:
Nobody has sounded the depths of man’s abyss;
No one knows your rich intimacies, O sea,
So jealously do you guard your secrets!
Nevertheless, behold the innumerable centuries
That you’ve fought each other without pity or remorse,
So much do you love carnage and death,
Eternal wrestlers, implacable brothers!
XVI. — CHATIMENT DE L’ORGUEIL
En ces camps merveilleux où la Théologie
Fleurit avec le plus de séve et d’énergie,
On raconte qu’un jour un docteur des plus grands,
– Après avoir forcé les coeurs indiférents;
Les avoir remués dans leurs profondeurs noires;
Après avoir franchi vers les célestes gloires
Des chemins singulieurs à lui-même inconnus,
Où les purs Esprits seuls peut-être étaient venus, –
Comme un homme monté trop haut, pris de panique,
S’écris, transporte d’un orgueil satanique:
<< Jésus, petit Jésus! je t’ai poussé bien haut! Mais, se j’avais voulu t’attaquer au défaut De l’armure, ta honte égalerait ta gloire, Et tu ne serais plus qu’un foetus dérisoire! >>
Immédiatement sa raison s’en alla.
L’eclait de ce soleil d’un crêpe se voilà;
Tout le chaos roula dans cette intelligence,
Temple autrefois vivant, plein d’ordre et d’opulence,
Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui.
Le silence et la nuit s’installèrant en lui,
Comme dans un caveau dont la clef est perdue.
Dès lors il fut semblable aux bêtes de la rue,
Et, quand il s’en allait sans rien voir, à travers
Les champs, sans distinguer les étés des hivers,
Sale, inutile et laid comme une chose usée,
Il faisait des enfants la joie et la risée.
XVI. — THE FOOT OF PRIDE
Once upon a fabled time, when Theology
Flourished with vigour and energy,
It’s told that a pre-eminent father of the church,
– Having stirred many apathetic hearts;
And roiled their blackest depths;
Having launched the trottinette of belief
On unique paths unknown even to himself,
Where only the purest of souls may travel, –
Like a man who has climbed too high, close to panic,
But carried away by satanic pride, he exclaimed:
“Jesus, little Jesus! See how high I have raised you!
But, if I were to expose the flaw
In your armor, your shame would equal your glory,
And you would find yourself little more than a pathetic foetus!”
Immediately, his reason deserted him.
The very face of the sun turned away;
Where once, under the ceilings
Within the temple of his intellect,
Where once all was ordered and opulent,
And where such pomp had courted him,
Chaos roiled. The darkness
Of perpetual silence overwhelmed him,
His mind became a vault whose key he had lost.
From that moment he was no more than a beast in the street,
And then he went blind, wandering the countryside,
Unable to distinguish summer from winter,
Filthy, useless, vile, a broken tool,
He provided many a child with joy and laughter.
XVII. — LA BEAUTÉ
Je suis belle, ô mortelles! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurti tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris;
J’uins un coeur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes;
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monumentsd,
Consumeront leurs jours d’austères études;
Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!
XVII. — BEAUTY
I am as beautiful, o mortals! as reverie in stone,
And my breast, upon which many have expired,
Is fashioned so as to inspire love in a poet,
Love as mute and primal as dirt.
I’m enthroned in azure, incomprehensible as a sphinx;
I unite a heart of snow with the whiteness of swans;
I hate any vibration that disturbs my composure,
And I never cry, any more than I laugh.
Poets, faced with such attitude,
Appropriated from the fiercest monuments,
Consume their days in austere study;
For I, to the fascination of these tame amateurs,
Have the purest mirrors which make all things beautiful:
My eyes, my big eyes of eternal clarity!
XIX. — LA GÉANTE
Du temps que la Nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstreaux
J’eusse aimé vivre auprés d’une jeune géante,
Comme aux pieds d’une reine un chat volupté.
J’eusse aimé voir son corps leurir avec son âme
Et grandir librement dans son terribles jeux;
Deviner si son coeur couvre une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux;
Parcourir à loisir ses magnifiques formes;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,
Lasse, la font s’étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d’un montaigne.
XIX. — THE GIANTESS
Back when Nature in her lusty verve
Conceived monstrous offspring on a daily basis,
I should have liked to live with a young giantess,
Like a voluptuous cat at the foot of his queen.
I should have liked to watch her body flourish with her soul
To see it grow as freely as her dreadful games;
To divine whether a somber flame smolders in her heart
From the humid mists that drift through her eyes;
To hike her magnificent physique at leisure;
To crawl up the slope of her enormous knees,
And when, in summer, wearied by the oppressive sun,
She spreads out over the entire countryside,
To sleep without a care in the shadow of her breasts,
Like a peaceful hamlet at the foot of a mountain.
—
Part 3
XX. — Le Masque
STATUE ALLÉGORIQUE
DANS LE GôUT DE LA RENAISSANCE
A ERNEST CHRISTOPHE, STATUAIRE
Contempons ce trésor de grâces florentines;
Dans l’ondulation de ce corps musculeux
L’Élégance et la Force abondent, soeurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorable mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.
– Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Oú la Fatuité promène son extase;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur;
Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur:
<< La Volupté m’appelle et l’Amour me couronne! >>
A cet être douè de tant de majesté
Vois quel charme excitant la gentillesse donne!
Approchons, et tournons autour de sa beauté.
O blasphème de l’art! ô surprise fatale!
La femme au corps divin, promettant la bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicépahle!
Mais non! ce n’est qu’un masque, un décor suborneur,
Ce visage éclairé d’une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à labri de la face qui ment.
Pauvre grande beauté! le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon coeur soucieux;
Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve
Aux lots que la Douleur fait jaillir de tes yeux!
– Mais pourquoi pleure-t-elle? Elle, beauté parfaite
Qui mettrait à ses pieds le gente humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète?
– Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu!
Et parce qu’elle vit! Mais ce qu’elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux,
C’est que demain, hélas! il faudra vivre encore!
Demain, après-demain et toujours! — comme nous!
XX. — THE MASK
AN ALLEGORICAL STATUE
IN THE RENAISSANCE STYLE
TO ERNEST CHRISTOPHE, SCULPTOR
Let us contemplate this treasure of Florentine grace;
Note the undulation of the muscular body
Adorned by those divine sisters, Elegance and Strength.
Truly a miraculous morsel, this woman,
Divinely robust, adorably slim,
Born to be enthroned in the most sumptuous beds,
Therein to charm by the hour any pope or prince.
– Not to mention that terminally voluptuous smile
In which Fatuity promenades with ecstasy;
That distant, deceitful look, languorous and mocking;
That pretty-pretty visage, framing her gaze,
Whose every trait dictates to us, with a conquering air,
“My name is Pleasure, and Love is my crown!”
Such majesty given to this talented being
Such charm incited by such kindness!
Let us closely circumnavigate this beauty.
Oh blasphemy of art! O fatal surprise!
This divine body, which promises happiness,
Proves to be a two-headed monster!
But no! it’s nothing but a mask, a décor suborned,
An exquisite grimace on a luminous countenance,
Atrociously clenched, regard
That veritable head, behold that sincere face,
Mere husks that conceal great mendacity.
Great impoverished beauty! the magnificent river
Of your tears roars through the flume of my anxious heart;
Your lies intoxicate me, and my soul is swamped
By the waves of pain that flood from your eyes!
– But why do you weep so? She, perfected beauty
At whose feet swoons all human vanity,
What evil mystery gnaws your athletic flank?
– She weeps, insensible, because she is real!
Because she lives! But what she really deplores
So much that her knees are nearly unstrung,
Is that tomorrow, alas! she’ll still be alive!
Tomorrow, the day after, forever! — like us!
XXI. — HYMNE A LA BEAUTÉ
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abime,
O Beauté! ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l’on peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le couchant et l’aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l’enfant courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien;
Tu sémes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux l’Horreur n’est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit: Bénissons ce flambeau!
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
O Beauté! monstre énorme, effrayant, ingénu!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un Infini que j’aime et n’ai jamais connu?
De Satan ou de le Dieu, qu’importe? Ange ou Sirène,
Qu’importe, si tu rends, — fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine! –
L’univers moins hideux et les instants moins lourds?
XXI. — HYMN TO BEAUTY
Do you come from deep space or a deeper abyss,
O Beauty! whose every glance, eternal and divine,
Dispenses kindness and crime indiscriminately,
And in that, at least, you may be compared to wine.
Your eye contains both twilight and dawn;
You scatter perfumes like a tempestuous night;
Your kisses are aphrodisiac, your love an amphora,
They strip heroes of their courage, and promote boys to manhood.
Did you arise from the blackest gulf or descend from the stars?
Destiny nips at your petticoats like a smitten pup,
You diseminate joy and disaster at random,
You govern all and answer to nobody.
You not only mock the dead, Beauty, you walk all over them;
Among your jewels Horror is not the least charming,
And Murder, a treasured bauble on your bracelet,
Amorously dances on your proud belly.
The most ephemeral beings fly straight into your candle,
And in the very act of immolation exclaim: Bless this flame!
The panting squire leans over the object of his desire
With the anticipation of a dying man stroking his tomb.
What does it matter, if you come from heaven or hell,
O Beauty! ingenuous, terrifying, enormous monster!
If your eye, your smile, your foot, open to me the door
To an unknown Infinity that I can love?
From Satan, from God, who cares? Angel or Siren,
Not an issue, if you give back, — velvet-eyed sprite,
Rhythm, perfume, just a glimpse, oh my unique queen! –
Of a universe less hideous, in which a man can breathe?
XXII. — PARFUM EXOTIQUE
Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne,
Je respire l’odeur de ton sein chaleureux,
Je vois de dérouler des rivages heureux
Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone;
Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’oeil par sa franchise étonne.
Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de oiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marne,
Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l’air et m’enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
XXII. — EXOTIC PERFUME
When, eyes closed, on a warm autumn night,
I take in the scent of your warmer breasts,
I dissolve like a wave on the shore of happiness
Bedazzled by the fires of a relentless sun.
A lazy island where Nature produces
Unique orchards of savory fruit;
And men whose physiques are slim and vigorous,
And women with eyes of astonishing frankness.
Guided by your scent through this charming climate,
I see a port replet with masts and sails
Altogether exhausted by the heaving main,
Meanwhile the bouquet of green tamarinds
Permeates the air, tickles the nostrils,
And the chanties of the mariners mingle with my soul.
XXIII. — LA CHEVELELURE
O toison, moutonnant jusque sur l’encolure!
O boucles! O parfum chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
J la veux agiter dans l’air comme un mouchoir!
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique!
Comme d’autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.
J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleine de sève,
Se pâment longuement sous l’ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève!
Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flames et de mâts:
Un port retentissant où mon âme peut boire
A grande flots le parfum, le son et la couleur;
Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasses la gloire
D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse
Dans ce noir océan où l’autre est enfermes;
Et mon esprit subtil que le roulis craesse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercement du loisir embaumé!
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du muse et du goudron.
Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et la saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde!
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et las gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir?
XXIII. — HER HAIR
O fleece, tumbling like a tide over the nape!
O buckles! O perfume charged with nonchalance!
Ecstasy! To populate the dark alcoves of evening
With the memories dormant in this hair,
I want to shake it in the air like a bandana!
Languorous Asia and feverish Africa,
Entire worlds, distant, absent, almost defunct,
Thrive in the depths or your aromatic forest!
While other spirits are borne along by music,
Mine, oh my love! is adrift on your perfume.
There will I go, where both men and trees, full of sap,
Swoon all day under the torpor of an arduous climate;
Formidable tresses, be the swell that bears me up!
You contain, sea of ebony, a dazzling dream
Of sails, of oarsmen, of flames and masts:
A reverberant port where my soul can drink
Torrents of fragrance, sound, and color;
Where vessels, gliding on golden ripples,
Open their vast arms to embrace the glory
Of a pure sky shivering with eternal heat.
I will plunge my head, drunk with love,
Into this black ocean where the other is imprisoned;
And among the rolling caresses my subtle spirit
I will find you, oh fecund lassitude,
Leisure embalmed in rocking infinity!
Blue hair, pavilion of tentative shadows,
You return to me the boundless azure of immense heavens,
Under the downy borders of your entwined locks
I ardently intoxicate myself with the confused aromas
Of coconut oil, of civet, of asphalt.
Always! forever! my hand will sow rubies,
Pearls and sapphires in your thick mane,
To the cries of my desire you will never be deaf!
Are you not the oasis where I dream, and the gourd
From which I drain prolonged drafts of the wine of memory?
XXIV
Je t’adore à l’égal de la voûte nocturne,
O vase de tristesse, ô grande taciturne,
E t’aime d’autant plus, belle, que tu me fuis,
Et qu tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieus
Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je m’avance à l’attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle!
Jusqu’à cette froideur par où tu m’es plus belle!
XXIV
I worship you as an equal to the celestial vault,
O amphora of sadness, oh great taciturnity,
And the more you shun me, my beauty, the more I love you,
Ornament of my nights, and it seems to me,
Ironically, that the more distance you put between us,
The greater the blue immensity I hold in my arms.
I advance my army, we clamber the ramparts,
Like a choir of worms swarming a cadaver,
And I crave, oh beast, implacable and cruel!
This frigidity that makes you even more beautiful!
XXV
Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle,
Femme impure! L’ennui rend ton âme cruelle.
Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,
Il te faut chaque jour un coeur au râtelier.
Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques
Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,
Usent insolemment d’un pouvoir emprunté,
San connaître jamais la loi de leur beauté.
Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde!
Salutaire instrument, buveur du sang du monde.
Comment n’as-tu pas honte et comment n’as-tu pas
Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas?
La grandeur de ce mal où tu te crois savante
Ne t’a donc jamais fait reculer d’épouvante,
Quand la nature, grande en ses desseins cachés,
De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés,
– De toi, vil animal, — pour pétrir un génie?
O fangeuse grandeur! sublime ignominie!
XXV
You would put the entire universe in that little street
Between your bed and the wall, you immoral woman!
Boredom renders your soul cruel. Just to keep your teeth
filed for your singular game, every new day you have to
rack up a new heart. Your eyes, lit up like a five and dime
And flaming like autumn leaves at a county fair,
Insolently flaunt a suborned power,
With no comprehension of their legitimate beauty.
Blind! Deaf! Fecund with savagery!
Inexhaustible machine, binging on the blood of the world,
How can you not be ashamed when every mirror
Bears witness to the sayonara of your charms?
The greatness of this evil, which you only think you understand,
Has it never made you recoil in terror,
Do you not realize that, in the vast scope of her hidden designs,
Nature outdid herself — oh woman, oh empress of sin,
Vile animal –, when she excreted your genius?
Oh sublime ignominy! Bottomless mire!
XXVI. — SED NON SATIATA
Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d’ébène, enfant des noirs minuits,
Je préfère au constance, à l’opium, au nuits,
L’élixir de ta bouche où l’amour se pavane;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme,
O démon sans pitié! verse-moi moins de flamme;
Je ne suis pas le Styx pour t’embrasser neuf fois.
Hélas! et je ne puis, Mégère libertine,
Pour briser ton courage et te mettre aux abois,
Dans l’enfer de ton it devenir Proserpine!
XXVI. — NO SATISFACTION
Bizarre deity, brunette nocturne,
Perfumed melange of musk and cigars,
Work of some obeah, some Faust of the savanna,
My ebony-flanked sorceress, spawn of midnight,
I prefer to constancy, opium, or night,
The elixir of your mouth, whence love struts;
The caravan of my desire embarks its weariness
Solely to arrive at the oasis of your eyes.
Those two big black eyes, twin volcanoes of your soul,
O pitiless daemon! turn down their heat;
I am not the Styx to quench you nine times,
Alas! and I cannot, my libertine Fury,
In order to break your spirit, to corner you
In the hell that you call your bed,
Pretend that you’re worth kidnapping!
XXVII
Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,
Même quand elle marche on croyait qu’elle danse,
Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés
Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.
Comme le sable morne et l’azur des déserts,
Insensibles tous deux à l’humaine souffrance,
Comme les longs réseaux de la houle des mers,
Elle se développe avece indifférence.
Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants,
Et dans cette nature étrange et symbolique
Où l’ange inviolé se mêle au sphinx antique,
Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants,
Resplendit à jamais, comme un astre inutile,
La froide majesté de la femme stérile.
XXVII
In her sheath, undulant and pearlescent,
You can’t believe she’s walking instead of dancing,
It’s like a dress full of snakes
Charmed by the batons of sacred jugglers.
Like the dreary sand and azure sky of a desert,
Equally insensible to human suffering,
Like the heaving swell of the sea,
She propagates with indifference.
Her burnished eyes are made of charming minerals,
And in this strange and symbolic nature
Wherein an inviolate angel mingles with an ancient sphinx,
Wherein all is gold, steel, light and diamonds,
Like a useless star, eternally resplendent,
With the frigid majesty of a sterile woman.
XXVIII. — LE SERPENT QUI DANSE
Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfumes,
Mes odorante et vagabonde
Aux flot bleus et bruns,
Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L’or avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un baton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête e’enfant
Se balance aves la mollesse
D’une jeune éléphant,
Et ton corpse se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boite un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon coeur!
XXVIII. — THE DANCING SERPENT
How I like to watch, my indolent darling,
Your lovely body,
Its quivering flesh
Vacillating like a fabric!
Under that profound shock of hair
and its acrid perfumes,
Swarthy blue waves roll
Upon a redolent and vagabond sea,
Like a ship awakened
By a freshening breeze,
My dreamy soul casts off
For a distant heaven.
Your eyes, in which nothing is revealed
Of the sweet nor of the bitter,
Are a pair of frozen jewels
In which iron is alloyed with gold.
To see the cadence of your walk,
The beauty of its abandon,
Is to watch a cobra entranced
By his master’s baton.
Under the burden of your idleness
Your childish head
Balances itself with the lethargy
Of a baby elephant,
And your body tilts and elongates
Like an elegant vessel
Rolling out her timbers
On a boisterous sea.
Like a flood engorged by
Glacial runoff,
When the water rises to your mouth,
To the very edges of your teeth,
I seek to drink the wine of your Bohemia,
Bitter and all-conquering,
A liquid sky which inseminates
My heart with stars!
XXIX. — UNE CHAROGNE
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux:
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à pointe,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rhythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rève,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.
– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!
Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Aprés les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés!
XXIX. — THE CADAVER
Call up again, my love, the thing we saw
One sweet summer morning:
At a bend in the road, on a bed of stones,
A rotting corpse,
Legs in the air, like a debauched bitch,
Suppurating coruscant venoms,
Nonchalantly flaunting, as if cynically,
A gut distended by gas.
The sun beat down on this rotting porridge,
As if to roast it medium crispy,
To pay back Mother Nature all that she had borrowed
For the recipe, with interest;
And heaven watched this superb carcass
Open like a flower.
The stench was plenty strong, enough
To send you face down, into the grass.
Black battalions of buzzing flies
Launched sorties of larva from that putrid belly,
They flowed like a thick fluid
They undulated like living rags.
It all descended from this, building like a wave,
Leaped and sparkled,
One might have said that the corpse, convulsed
by an uncertain sigh, yet lived, yet multiplied.
And this world emitted a foreign music,
Like running water, like wind,
Like the grain the turning winnower
Lifts and leaves in his wake.
The shapes efface themselves, they’re no more than a dream,
A slow realization
In a forgotten work of art, achieved
Only in memory.
Behind some rocks a restless dog
Watched us with a wary eye,
Waiting for the moment to snatch a morsel
Dispensed by the recalcitrant skeleton.
– Nevertheless, one day you will resemble this pile of shit,
This vile infection,
Star of my eyes, sun of my nature,
You, my angel, my passion!
Yes! such will you become, my queen of grace,
After the last sacraments,
After they slide you under the lawn, with only a slight hiss,
To molder among the bones.
Then, oh my beauty, then! tell the vermin
That feast on your kisses,
That I obsess over the form, over the divine essence
Of my putrid love!
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Part 4 COMING SOON
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© Jim Nisbet 2014
Jim Nisbet has published nine novels, the most recent of which, The Octopus On My Head, was released by Dennis McMillan Publications (Tucson) in July, 2007, and by Editons Payot et Rivages (Paris) under the title Comment j’ai trouvé un boulot in November, 2008. All of these novels – The Gourmet (aka The Damned Don’t Die), Lethal Injection, Death Puppet, Prelude to a Scream, The Price of the Ticket, The Syracuse Codex, Dark Companion, and The Octopus on My Head — have been published in French as well as English, along with a miscellany of additional translations into German, Japanese, Italian, Polish, Hungarian, Greek and, forthcoming, Russian and Romanian. Ulysses’ Dog has been published in French only, under the title Le Chien d’Ulysse, by (as with all of the French translations) Editions Payot et Rivages (Paris). In April 2010 Overlook Press (New York) will publish a new Jim Nisbet novel, Windward Passage, simultaneously with a new edition of the acclaimed Lethal Injection, out of print since 1989. This rollout will be followed by Jim’s entire backlist, a total of eight additional titles, including the first American publication ofUlysses’ Dog. The Rivages/Thriller edition of Windward Passage will follow. On a parallel track, Green Arcade, an imprint of PM Press, issued a novella, A Moment of Doubt, in the fall of 2010.